Cet article contribue à éclairer une difficulté récurrente de la méthodologie qualitative : celle de la comparabilité des corpus sur lesquels se fonde l’analyse. Ce questionnement est abordé en examinant un cas particulier qui se pose lorsqu’on a recours à des entretiens collectifs. Souhaitant étudier les attitudes des citoyens à l’égard de l’intégration européenne, nous avons mis en œuvre une comparaison entre la France, la Belgique francophone et le Royaume-Uni. Nous avons par ailleurs concrètement privilégié des groupes « artificiels », segmentés sur une base typologique, en constituant des classes de groupes selon une modélisation simplifiée de la stratification sociale. Parce que l’intervention du chercheur est particulièrement active dans la mise en œuvre du dispositif d’enquête, sont soulevées des questions cruciales pour la comparaison mais rarement explicitées lorsqu’il s’agit d’adopter une démarche qualitative : jusqu’où faut-il aller dans la construction de la comparabilité, c’est-à-dire dans l’harmonisation des données ? Sur quelles bases ? Quel respect doit être accordé à la singularité du social au sein de chaque terrain ? À la lumière de notre propre recherche, il semble que la typicité constitue une grammaire à géométrie variable qui ne saurait nullement être tenue pour absolue, c’est-à-dire, dans notre cas, applicable de manière strictement identique d’une catégorie sociale à l’autre ou d’un pays à l’autre. Les obstacles rencontrés ne sont néanmoins jamais insurmontables, pour peu que l’on adopte une posture suffisamment réflexive à l’égard de sa propre pratique. Au total, nous voudrions contribuer à souligner le nécessaire assouplissement des conceptions des règles de la comparaison que suppose l’adoption d’une telle démarche qualitative.