Produire de la compassion. L’accompagnement des victimes de violences conjugales en France et aux États-Unis
Depuis le mouvement de libération des femmes des années 1970, des groupes féministes se sont constitués pour accompagner et héberger les femmes victimes et leurs enfants en France et aux États-Unis. À partir d’une enquête sociohistorique et ethnographique menée dans des associations de lutte contre les violences conjugales situées dans le comté de Los Angeles et en Île-de-France, cet article propose de saisir la façon dont professionnalisation et politisation des émotions s’imbriquent dans la constitution du territoire professionnel d’organisations héritières des mouvements féministes. Dans les deux cas de l’enquête, en France et aux États-Unis, les émotions développées par les militantes et les professionnelles sont relativement similaires. La transformation du répertoire d’action, que traduit l’instauration des régimes professionnels de la cause des violences conjugales, s’accompagne du passage de l’expression de la colère à celle de la compassion. Toutefois, ces émotions sont pensées et travaillées à partir de conceptions différentes en fonction des contextes locaux. La comparaison entre deux espaces militants éclaire les rouages de la production de la compassion dans des associations militantes.